Le samedi 06 avril 2013, la commune de Djibo a vu réinvestir dans ses fonctions de bourgmestre, pour la quatrième fois, Oumarou DICKO. Cet événement est commémoré en grande pompe. Youyous des griottes, épopée de la famille du nouveau maire sortant et « rentrant », coups de fusils, sonorités modernes, etc. Du Haut-commissaire de la province du Soum à la population de Djibo, en passant par le parrain de la cérémonie, Adama Kindo, chacun a joué son rôle. Au fait, les uns ont parlé, les autres ont écouté,. L’entrain de la population était fortement visible mais comme il fallait bien s’attendre le discours est les remerciements sont d’abord adressés aux initiés, à la populace ensuite. Regard sur une journée solennelle, dans un Djibo qui distingue mal pouvoir le maire du prince !
Sans vouloir revenir sur le déroulement
de la cérémonie, tâche déjà si bien assurée par nombre de journalistes plus
expérimentés et plus adroits en la matière, il vaudrait mieux revenir sur
quelques aspects préoccupants de ces instants solennels. D’ores et déjà,
partisans d’une Afrique renaissante avec la reconquête de la personnalité
culturelle africaine, on pourrait être heureux de revoir sur la scène des
griots aux voix magnifiques, aux guitares magiques et des griottes aux
youyous séduisants. L’enthousiasme était, visiblement la chose la mieux partagé
entre ces gardiens de la tradition et nombre de leurs spectateurs. Vive
l’Afrique, vivent nos valeurs ! Seulement, il n’y a pas qu’un grain
d’enthousiasme qui est partagé. Pour quiconque se veut démocrate, nos gardiens
de la tradition auraient dû s’en faire une idée. Leur spectacle, dans la forme,
était intéressant. Dans le fond, c’était comme du lait au piment et à la
vinaigrette. Du jamais vu, n’est-ce pas ? Bon, relativisons, peut-être que
c’est une spécialité du « Gondwana ». On pourrait bien se plaire à
rappeler à l’Assemblée l’occasion de la rencontre, si ce n’était pas une
rumeur. L’information qui a mobilisé les gens ce jour-là était relative à
l’installation du maire, et du coup on est confronté à un problème de terminologie
parce qu’il semble important de redéfinir les termes d’actualité, selon qu’ils
soient de Djibo ou d’ailleurs.
Maire :
autorité politique ou coutumière ?
De la cérémonie hautement
traditionnelle, organisée pour asseoir le maire, il est plutôt préférable, à
quelques détails près, de ne pas parler de simple investiture. A l’instar du
Burkina Faso, la ville de Djibo est très festive. Elle en a d’ailleurs les
moyens car si elle n’a pas le pétrole ni de route bitumée, elle a « Adama
Koudougou » (nom courant de Adama Kindo, PDG de SOMIKA), et il nous
suffit. Il construit des mosquées ; offre des motos ; parraine des
maires, des CR ; déplace des HC ; et garnit les plats au
passage ! « Saint patron » de Djibo, du Soum et du Sahel,
comme le présentent plus d’un Djibolais. Djibo, modèle de synthèse entre
valeurs démocratiques républicaines et coutumes ancestrales et société féodale.
Ce samedi a été l’occasion de le rappeler, une fois de plus. « Ɓi laamu
tawɗo laamu, adi laamu, alla hedde e laamu » (en français : prince,
que dieu vous maintienne à jamais au trône) ; « laamu ɓooyu e juuɗe
mon ! » (Que le pouvoir perdure
entre vos[1]
mains !), tels étaient les slogans scandés par les griots. Dans les
coulisses, au même moment, un homme de « bonne famille » nous dit, « actuellement, c’est le meilleur griot
de la zone ». Oui, réellement il est authentique, mais pour la simple
raison que le maire vante sa commune de démocratique, le langage aurait du être
contrôlé. Sinon, faut-il retenir que
dans la commune de Djibo, il y a déjà des gens qui ont eu tout le mérite d’être
nés pour gouverner ?
Le
mérite de la commune ?
Au plus fin démocrate du monde, Djibo a donné
sa leçon de démocratie à l’issue des dernières élections couplées municipales
et législatives. On ne finira pas de reprocher aux acteurs de la scène
politique djibolaise d’avoir instrumentalisé l’opinion, d’avoir créé de
rancœurs en tirant sur les lourdes pesanteurs sociales, en organisant une
campagne électorale, à la limite clanique. Cependant, les autorités semblent
effacer toutes leurs responsabilités. Une autorité provinciale qui a eu
l’honneur de procéder à « l’intronisation » du maire de Djibo, a lâché,
dans son message aux Djibolais, « chaque commune mérite son
maire ». Arrêtée là, la phrase est toute à notre honneur, mais ce
ne fut pas le cas. L’autorité a choisi délibérément ou de façon inconsciente
d’en rajouter, « je m’excuse du terme ». Sommes-nous donc
injuriés ? Pourquoi faut-il s’excuser de propos du genre, venant du
cœur ? Je vous épargnerai de mes commentaires sur ces termes tout en
attendant impatiemment les vôtres.
[1] En
fulfulde, la formule de politesse n’existe pas. « Vos » renvoie donc au maire et à sa famille princière.
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