Cinq
ans de terreur ?
A
peine la campagne drôle et affreuse pour les premières municipales et
législatives couplées de l’histoire du Burkina terminée, certains élus entrent
dans des zones de turbulence inimaginables. C’est à peine si l’on ne se demande
pas pourquoi les gens se font élire. Si Pobé-Mengao (commune de la province du
Soum) a vu un potentiel candidat à la succession de l’ancien maire mourir de
deux coups de feu à bout portant[http://moussadicko.blogspot.com/2012/12/fratricide-pobe-mengao_5647.html], d’autres villes et villages ont vu tour à tour
déferler des troupes de bidasses chez eux tantôt pour déguerpir des manifestants
contestants le déroulement ou le verdict du scrutin, tantôt pour sécuriser les
mairies les jours d’élections des maires. Que seront donc cinq ans de gestion de
ces hommes qui ont peur de leurs électeurs ?
Au Burkina Faso, les élections comptent
parmi les choses qui divisent le plus l’opinion. Bien que les bulletins soient
secrets, nombreux sont ceux-là qui, après les élections, préfèrent ne même plus
adresser la parole à leur proche parent ou voisin. Ils sont également si
nombreux, ceux-là qui votent « au nom de papa », de grand père, ou « du
village ». Les plus fous vont jusqu’à dénigrer leurs adversaires en leur
traitant d’ « esclave », de « peul », de
« mossi », etc. toutes choses qui alimentent le rejet de l’autre sur des
bases ethnique et tribale. En plus de cela, les burkinabè ont si longtemps misé
sur toutes les formes de corruption électorale et d’hypocrisie que les
campagnes et les consultations électorales sont devenues une sorte de pagaille
dans laquelle les plus modestes et honnêtes candidats sont ridiculisés.
L’opinion demeure plus que jamais
confuse, les élus sont apeurés et les forces de l’ordre en alerte partout où
les élections sont au programme. Pobé-Mengao, à l’instar de plusieurs autres
communes du Burkina Faso, a connu une phase de consultations électorales
trouble mais s’est tout de même retrouvé avec le même bourgmestre. Ils sont
nombreux les observateurs extérieurs qui ne revoyaient pas certains maires de
retour à l’hôtel de ville ! Hélas, ils sont tout de même nombreux à « renouveler »
leur adhésion à l’AMBF (Association des Maires du Burkina Faso). Les interprétations
vont bon train et dans certaines zones les « grains thé» en discutent
d’une façon inquiétante.
Par ci on décrie un maire arrogant
entouré d’hommes violents, par là un maire incompétent et insouciant, de l’autre
côté on pleure que le maire et les deux adjoints sont illettrés et corrompus,
et quoi encore ! Pourtant, dans le fond, c’est la même population qui a
élu cette « bande » d’arrogant, violents, incompétent, insouciant,
illettrés et corrompus. Ce qui est le plus comique mais pas surprenant, c’est
qu’au sein même des partis majoritaires on trouve souvent des gens qui
soutiennent des scissions entre les membres du même parti dans d’autres
communes que les leurs. Les esprits s’échauffent et de plus en plus on assiste
à des « résistances » vis-à-vis des nouveaux ex-maires (sic). Dans une
commune rurale du Soum, les nouveaux opposants du maire qui sont d’anciens
collaborateurs proches promettent de dénoncer les sales combines dont le maire a
fait usage dans son précédent mandat !
Ce qui est d’autant plus difficile à
réaliser, c’est la force et la vigueur par laquelle nos hommes s’investissent
pour diriger rien qu’une mairie. Si on fait tant pour une mairie, que feront
nous pour des postes politiques plus importants ? Organiser des meetings
et de grandes manifestations en jetant de l’argent sur musiciens et artistes,
regrouper hommes et femmes les monter les uns contre les autres, rien que pour
gérer le bien commun, c’est ce qui est à la mode. Au XXIe siècle, de surcroît
en pays pauvre, on a beaucoup plus besoin de gens engagés à soutenir des
projets de développement que des gens qui savent gaspiller de l’argent pour des
campagnes électorales. A Djibo comme beaucoup d’autres communes, on trouve des
gens qui sont prêt à tout pour ne jamais céder leur place. Pire, la politique y
est toujours une affaire de clan dans laquelle depuis des siècles, « l’histoire
a déjà établit une hiérarchie ». Oui, avouons, nous mauvaise habitude, en
Afrique, d’être complexés par la pire histoire des histoires, celle des
esclaves. Alors que nos pères vendus aux Etats-Unis ont sacrifié leurs vies
pour la Liberté et nous pour l’Indépendance, qui s’accompagnent de l’abolition
de l’esclavage et des mauvaises pratiques racistes, nous restons diviser pour
le seul fait que nous soyons différents.
Plus que jamais, il est nécessaire que les
burkinabé en général, et les populations rurales en particulier sachent faire
la différence entre les divisionnistes qui ont tendance profiter de leur
vulnérabilité et ceux qui véritablement se battent pour un mieux être autour d’eux.
Pour ce faire, il est nécessaire de commencer par bannir de notre société toute
idée d’accès à n’importe quelle poste de responsabilité par la corruption, la
fraude, le mensonge, l’usage de préjugés ethniques et raciaux, etc. Pour être
un acteur du développement, pas besoin d’être un politicien !