Ouagadougou,
les 21 et 22 septembre 2012
A
Messieurs les Présidents américains et
français
« Pauvre
con ! »
« Il est beau de ne
pratiquer aucun métier, car un homme libre
« ne dois pas vivre pour
servir autrui. »
Aristote,
Rhétorique
« Pauvre
con », c’est le titre que j’ai choisi pour cette lettre ouverte. Ces
propos sont d’une citoyenne française vivant en Tunisie à l’endroit du
Directeur de Publication du journal satirique « Charlie Hebdo » à la
publication de ses caricatures « islamophobes ». Je lui dirais la
même chose. Avant de vous livrer ce que je pense de la liberté d’expression au
nom de laquelle la polémique règne dans le monde aujourd’hui autour de l’Islam,
je voudrais que vous sachiez que j’ai longuement hésité avant de décider de la
nécessité de mon écrit. En effet, je note la liberté de presse nombre de
journalistes se battent jour et nuit pour obtenir. Je suis de ceux qui pensent
qu’elle est un impératif. Cependant, je doute que ni vous, ni ceux qui partagent
cet idéal avec moi n’aient la même vision de cette liberté et tout d’un coup je
deviens pale. Mais j’ose croire que la liberté devrait avoir des règles.
Et parce que
l’on n’a pas la même volonté ni la même passion de la liberté, il faut arrêter
les dérives qui sont de nature à nuire la quiétude publique. Aux gouvernements,
du monde entier, par leurs bras de fer, les institutions judiciaires,
sanctionnez les dérives. La liberté convenue par le pacte social des hommes
vous y oblige. Que nulle liberté ne tue, que nulle liberté ne nuise. Si des
gens meurent encore pour une publication et d’autres vies sont en danger, il
faut bien s’interroger sur la nécessité de cette dernière. Le monde a besoin de
scandales, mais pas de ce genre. En mon sens, il y a des scandales constructifs
tels que les révolutions qui ont quelques fois renouvelé positivement le monde
malgré leurs batteries de désastres.
Cependant, les
guerres ethniques et religieuses sont ce qu’il y a de moins souhaitable et de
plus malheureux qui puissent arriver dans le monde actuel. En effet, il faut
noter que le contexte actuel ressemble beaucoup à un retour vers les croisades
qui ont ensanglanté les mondes musulmans et chrétiens au moyen âge. A la
différence de ces dernières, les actuelles « guerres » se font à
travers le monde et semblent se mener sans la bénédiction du Pape et il faut
s’en féliciter.
Les musulmans du
monde entier ont été frustrés de voir le Prophète Mahomet (PSAL) et l’Islam mis
en scène d’une façon révoltante aux Etats-Unis d’Amérique et en France
particulièrement. Et tout cela se fait sous la bénédiction d’une certaine
« liberté d’expression ». Cela n’est ni moral, ni acceptable. Il
faudra bien juger et condamner de tels actes de nature à troubler l’ordre
social mondial, n’en déplaisent à ceux qui prétendent à un satané « Nouvel
Ordre Mondial ».
Oui à la liberté d’expression qui respecte les
bonnes mœurs
La liberté est
une expression vague qui laisse à chacun une vision de la sienne souvent
propre. La liberté s’adapte alors aux conceptions que chacun se fait de sa
personne et de ses volontés. Mais, la liberté telle que convenue dans nos
sociétés dérive du « pacte social » et vise l’harmonie de ces
sociétés de telle sorte qu’elle peut être perçue comme un droit sociale qui
garanti la sécurité à chaque individu. Donc toute liberté excessive, voire
illimitée, est d’avance, prohibée.
La liberté d’expression
est de ce fait, fille de ce qu’on a appelé ci-dessus, la liberté. Elle est le
droit de penser par soi et de dire ce que l’on pense. Il faut préciser qu’il ne
sert à rien de dire ce qu’on pense, quand cela s’avère absurde et contraire aux
valeurs sociales. Quand on parle de liberté de penser dans une société moderne,
régie par des lois, on parle aussi d’éthique pour les citoyens et d’éthique
professionnelle pour les hommes de média ou autres canaux par lesquels passent
les choses. Les détenteurs du pouvoir d’Etat et les autorités en charge des
libertés publiques dans certains cas se chargent de la lourde tache de faire en
sorte que l’éthique gouverne la liberté et c’est seulement ainsi que la société
peut vivre en sécurité.
Alors, ni les
ministères, ni les gouvernements, ni les chefs religieux ne peuvent ni ne
doivent m’obliger à laisser profaner ma religion sans réaction. S’ils ne
réagissent pas pour défendre mon honneur blessé par les blasphémateurs qu’ils
me permettent de réagir face à l’injustice commise à mon égard. Je veux voir le
monde sans forme de discriminations quelconque mais pour ce faire, il faut que
les libertés soient contrôlées, je veux dire, que la liberté d’expression soit
un droit qui ne permette pas de dérive. Ou alors que l’on accepte avec Samuel
Johnson que « tout homme a le droit
de dire ce qu’il croit être vrai, et tout autre a le droit de l’assommer pour
cette bonne raison ».
Le principe de
l’expression libre, sans contrainte, ni règle, est contraire au principe de
l’éthique et de la vie d’une société plurielle. Accepter ce type de liberté
serait accepter que dans nos sociétés modernes, des groupes sociaux se mettent
à l’indexe et s’affrontent vulgairement comme cela s’est passé sous les régimes
d’apartheid et de génocide, choses aujourd’hui rejetées par la morale sociale.
Quoi qu’on dise, les grandes religions se sont constituées en communautés d’où
les termes comme la « Ummah », Terre Sainte, etc.
Liberté et anarchie
Entre la liberté
et l’anarchie, la différence est minime. La deuxième commence là où la première
atteint un niveau de croissance déraisonnable vis-à-vis des bonnes mœurs. Ce
que nous appelons bonnes mœurs, contrairement à ce que beaucoup de gens
semblent insinuer, se retrouvent chez tous les peuples. Les mœurs musulmanes,
chrétiennes, juives, africaines traditionnelles ou d’autres ordres, ne sont pas
toujours contradictoires. On peut remarquer que chez tous les peuples amour,
solidarité, respect mutuel, tolérance, pardon, etc. sont des mots qui riment
avec bien-être et paix, donc des valeurs. Par contre détester, persécuter, violenter,
etc. sont des verbes mal acceptés voire pas du tout souhaités.
Sans défendre ni
musulman, ni chrétiens, ni aucune autre religion, si chacun devrait dire ce qui
lui passe par la tête sans que cela ne soit soumis à la censure, on
retournerait à un monde sauvage et pervers où notre « pacte social »
n’aurait plus sa raison d’être. Ce monde n’est pas celui dont tout homme sensé
souhaiterait pour lui-même, encore moins pour sa progéniture. Il faut
simplement contrôler les actes que posent les hommes. Laisser publier des
perversités sans fondement sur n’importe quelle personne est un danger pour
notre société. Les idées et les actions que montrent la vidéo
« l’innocence des musulmans » n’est acceptable pour aucun peuple
démocratique et qui a vocation d’éduquer des générations d’hommes. Présenter des
images à la limite pornographiques avec des crimes horribles, même inspirées
d’une réalité n’est pas moral surtout quand celles-ci ressortent comme une
injure à l’endroit des centaines de millions de personnes dans le monde ne peut
être défendu sous aucun prétexte. La liberté de parole ou d’expression va avec
beaucoup d’autres libertés telles que celle de l’action. Si j’ai le droit de
dire que tant de millions de gens sont un malheur pour l’humanité, que tant de
gens sont naïf et nuisibles parce que pratiquant une religion dont le supposé
guide est de sale moralité, comme nous montre « L’innocence des
musulmans », je dis du même coup que les gens doivent arrêter sa pratique.
Le droit de dire que telle religion ou tels religieux sont stupide est un droit
de polémique qui permettrait de susciter la haine à l’endroit de ces derniers.
Le Ku-Klux-Klan, le Fascisme, le Nazisme, la Shoa et toutes les formes de
discriminations ne sont que des fruits d’une certaine liberté d’expression.
Tout part d’un point de vue d’un individu et cela se transmet à travers des
canaux diaboliquement contre l’humanité. Est-ce que la France à déjà pardonné
Hitler et tolère ou défend les valeurs de la race aryenne conçues par ce
dernier ? C’est pourtant une simple forme de liberté d’expression !
Est-ce que les Etats-Unis sont fiers d’un passé raciste où les noirs étaient
lynchés, brûlés vifs, etc. ? Ce sont toutes des dérives de la liberté
d’expression !
L’ambassadeur
des Etats-Unis d’Amérique a payé de sa vie la bêtise d’un de ses concitoyens
sans vergogne et c’est le regrettable prix d’une certaine liberté. Je suis
désolé que des membres prétendus de la Ummah en arrivent à tuer des innocents à
la place des individus mal intentionnés mais je ne les condamnerais pas si je
devais défendre la liberté d’expression telle que le voient certaines
personnes, car tuer serait une action très exaltée et très parfaite devant
dériver la liberté d’expression. S’ils ont le droit de s’exprimer librement,
c’est qu’ils peuvent sortir et dire que tous les américains et les français
doivent mourir, si c’est ce qu’ils pensent. François Hollande pardonnerait-il
cette façon de réflechir ? Je lui conseillerais le contraire, si non,
qu’il soit tué le premier, c’est ma liberté d’expression après tout. Et alors,
tous le monde courra à l’idée de se faire tuer, car, comme le dit bien Jean
Paul Sartre, « la parole est un certain moment particulier de l’action et
ne se comprend pas en déhors d’elle ». La liberté total d’expression c’est
le « Je » ou le « moi ». Même si le « moi » n’est
pas forcement haïssable, il conduit à un « chacun », entendez par là
un monde de solitude où chacun agit selon ses impulsions, un monde sans aucun
principe social, une anarchie dans laquelle « haïr
est un jeu auquel on jouera la tête froide ». Ce monde sera un
désastre où « Charlie Hebdo » et beaucoup d’autres pauvres
journalistes seraient mangés à la sauce papier-couché. Ils ne sont ni plus
inspirés, ni plus audacieux que personne.
Pour un monde de
paix et d’harmonie sociale, il faut bien que nous acceptons que la liberté
profite à tous les hommes, et pour ce faire, il faut nous acceptons la
différence. Accepter la différence n’est rien de plus que se conformer à un
ordre social, régi par des lois qui ne donnent à personne le droit d’offenser
l’autre dans sa dignité, son amour-propre.
Croyez en ma
volonté d’un monde de paix et de respect interculturel.
Moussa DICKO, Fier Citoyen du Monde