dimanche 18 novembre 2012

Délinquance juvénile Le petit Hamadoum est en prison après avoir mangé du biscuit ?


Djibo, on est mardi 22 mai 2012. C’est jour d’audiences au Tribunal de Grande Instance. C’est très souvent le cinéma pour les jeunes djibolais. Ils le suivent gratuitement et avec beaucoup de passion. Au ciné, on voit toutes les scènes, comiques, ridicules, et même pitoyables. Aussi, au ciné, on est assis sans pouvoir faire quelque chose. Ce matin là, j’étais au procès. Comme d’habitude, je suis venu en retard sans pour autant rater l’essentiel des audiences.

Sur le « Rôle des audiences » figure en cinquième position, une affaire qui fera trainer le tribunal durant environ deux heures sans qu’aucune partie n’ait clairement prouvé ses arguments. Le procès a opposé le prévenu Barry Hamadoum à Dicko Hamado. Le premier est accusé d’avoir volé 40 bottes de mil dans le grenier du second. Avant de suspendre l’audience pour délibérer le mardi 29 mai prochain, le procureur requiert une peine d’emprisonnement ferme de un mois pour le jeune Hamadoum au vu de sa vulnérabilité. En effet, c’est un enfant de 17 ans qui a grandi au côté de son grand père à Mentao orphelin de père et de mère.

Voleur ou volé, qui dit vrai

Cependant, ni l’accusation, ni la défense n’a pu fournir des preuves sur le nombre de bottes volé et la manière de procéder. Dicko, agro pasteur originaire de Mentao(village à 12km de Djibo sur la nationale 22) raconte qu’il est allé en transhumance à Gnamanga(à 20km de Djibo) depuis cinq mois déjà. Selon sa version, il repart à Mentao chaque mois pour voir son mil qu’il avait stocké dans sa maison bouclée à clef, avec une serrure de 1500FCFA. Le 28 avril passé, alors qu’il était à Gnamanga, un nommé Tamboura Idrissa l’informe par téléphone que son mil a été volé. Son constat à son arrivée, c’était la disparition de ses 40 bottes dont cinq étaient éparpillées sur la route allant de chez lui au domicile du nommé Idrissa dont la femme aurait acheté le mil avec Hamadoum.

Hamadoum, quant à lui, rétorque n’avoir pas pris quarante mais deux bottes. Pour la manière, il affirme avoir trouvé la porte fermée, pas à clef mais à l’aide d’un morceau de bois et attachée. Après avoir détaché la corde, il entre dans la maison et enlève deux bottes. L’une a été ramenée chez son oncle qui lui aurait remis une pièce de 100fcfa et l’autre a été vendue à la femme de Idrissa. Interrogé sur le mil éparpillé sur tout le trajet, il dit que c’est la seule botte vendu à la femme de Idrissa qui est tombée et s’est éparpillée et c’est alors qu’il est allé prendre un plat de cette dernière et a récupéré les épis tombés. La femme de Idrissa a quand même acheté le mil volé à 750fcfa et c’est son mari qui a dénoncé l’accusé.

Barry Djiblirou, l’oncle de l’accusé a nié toute implication et ne reconnait pas avoir pris du mil apporté par son neveu et affirme ne lui avoir pas remis de l’argent. Il soutient aussi avoir invité la partie civile, le jour du constat de vol, à entrer dans son grenier vérifier s’il y avait du mil qui semblait être venu la veille. La partie civile se justifie en disant qu’elle n’en avait pas besoin, dès lors qu’elle a retrouvé son voleur qui n’a pas nié d’avoir causer un délit.

Drôle de justification pour voler

L’accusé avoue avoir obtenu 850fcfa au total pour avoir volé deux bottes de mil. L’usage qu’il en fait est tout aussi étonnant que inquiétant. Etonnant, parce qu’un voleur de son âge dans une autre ville n’y aurait pas pensé ; inquiétant, parce que cela exprime un stade extrême de la pauvreté. Personne de ceux qui liront ce paragraphe ne croira que ce garçon en a usé juste pour l’achat de biscuits, d’arachides et de dissolution. La légende raconterait qu’un jour qu’il avait envie de manger du biscuit, un enfant de Mentao a du voler du mil en période de crise alimentaire.

Comme au ciné, j’ai frémi du fond de mon âme, d’indignation et de compassion. Un enfant dans cette situation est le fruit d’une société pas du tout enviable, d’une société misérable, et laisse présager des lendemains d’incertitude et de frustration. C’est une société dans laquelle la sécurité sociale est mise à mal et nous n’avons pas le droit de nous en moquer, nous n’avons pas le droit d’en parler sans en être choqué. Mais, comme au ciné, on ne peut pas faire grand-chose et on attend que le film se termine. On peut déjà imaginer la suite. Sera-t-elle morale ? Le dernier épisode judiciaire de cette affaire nous en dira mieux, et ce sera mardi !!!

Il est encore mardi, et c’est le 29 mai 2012
Je suis encore en retard. Mais cette fois, je rate l’essentiel. Le verdict de l’affaire du petit Hamadoum est tombé. A la fin, je m’enquiers des nouvelles. Il s’avère que le petit est reconnu coupable du vol de deux bottes de mil. Il est de ce fait condamné à six mois de prison ferme et une amende de 50 000Fcfa.


Nibel Casfigo Elche

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